Interview de Fouzi Lekjaa, président de la Fédération royale marocaine de football
Le président de la Fédération royale marocaine de football et membre du Conseil de la FIFA, Fouzi Lekjaa, est un grand partisan du projet d’une Coupe du Monde tous les deux ans. Dans cet entretien, le dirigeant explique son choix et liste les multiples bénéfices que cela apporterait au continent africain.
Sport-24 : Lors de la 71e assemblée de la FIFA, tenue le vendredi 21 mai 2021, vous aviez défendu l’idée d’une Coupe du Monde tous les deux ans. Pourquoi?
Fouzi Lekjaa: Une Coupe du Monde disputée tous les deux ans, au lieu de quatre, donnerait davantage d’opportunités aux équipes africaines de progresser en affrontant les meilleures sélections du monde. Ce changement permettrait aussi aux joueurs africains les plus talentueux de progresser et de briller sur la scène internationale. Seules huit équipes ont gagné la Coupe du Monde, et la plupart des participants sont toujours les mêmes. Nous devons faire de la Coupe du Monde une compétition plus inclusive, d’une part en augmentant le nombre de participants, ce qui est déjà acté, mais aussi en augmentant sa fréquence.
Quel est l’intérêt pour l’équipe nationale?
Le Maroc est une grande nation de football mais, en près de 100 ans d’existence de la Coupe du Monde, nous n’y avons participé qu’à cinq reprises. Ce n’est pas seulement dû à l’extrême difficulté des qualifications, c’est surtout à cause de la périodicité de cette compétition.
Ce choix ne risque-t-il pas de faire perdre au Mondial son attractivité?
Ce qui fait un grand tournoi, c’est sa qualité et ce qu’il représente, pas sa rareté. Dans tous les sports, y compris dans le football, de grandes compétitions se jouent tous les ans ou tous les deux ans (comme la Coupe d’Afrique des Nations) et elles n’en sont pas moins dénuées d’intérêt, les fans ne s’en lassent pas pour autant. La Coupe du Monde restera une superbe compétition tout en devenant plus démocratique et en donnant aux nations les moins développées l’occasion de participer et de progresser.
Nous avons vu une ou deux voix européennes, notamment de l’UEFA, s’opposer à cette idée. Qu’en pensez vous ?
J’avoue avoir été extrêmement déçu par certaines réactions sur ce sujet. Le calendrier des matchs internationaux n’est pas encore déterminé après 2024, tout le monde devrait donc s’asseoir et débattre des meilleures solutions pour chacun, pas juste pour les plus privilégiés, ceux qui détiennent toutes les ressources et voient l’Afrique et les autres continents comme des personnes de classe inférieure avec qui il faut se débrouiller. C’est facile de faire des slogans et des campagnes contre le racisme et la discrimination, mais ce que l’Afrique veut, ce sont des actions concrètes et de la bonne volonté, pas des postures arrogantes, autocrates et discriminatoires, ni le refus du débat d’idées. Un mois de plus tous les quatre ans. Nous ne demandons pas l’impossible.
Ceux qui sont contre la Coupe du monde tous les deux ans sont en fait des égoïstes, car ils discriminent des milliards de personnes uniquement pour protéger leurs propres intérêts commerciaux. Ils devraient soutenir la possibilité de donner de l’espoir aux centaines de millions de personnes qui peuplent notre continent.
Ces quelques fédérations peuvent-elles stopper cette proposition?
La FIFA est désormais une organisation démocratique et l’Europe nous apprend à respecter l’opinion de la majorité dans un véritable esprit démocratique. Nous espérons donc que tout le monde en Europe respecte la démocratie. Heureusement, de nombreuses personnes et fédérations en Europe soutiennent cette idée.
D’ailleurs cette idée a été annoncée par Arsène Wenger, un des plus grand entraîneur du Vieux Continent…
Arsène Wenger est un homme qui réfléchit sur le football depuis des dizaines d’années, et pas seulement au niveau du terrain. Il mène des analyses et des recherches qui prouvent que le football est de plus en plus déséquilibré et que les personnes qui ne sont pas nées dans certaines des zones les plus privilégiées du monde n’ont pas les mêmes opportunités que d’autres. Il est irrationnel et absurde de critiquer cette proposition sans même réfléchir à ce qu’il se passe, ni à des façons d’endiguer et de renverser cette tendance. Le fait de disputer la Coupe du Monde tous les deux ans ne serait pas la solution miracle à tout ce qui ne va pas, mais ce serait, sans aucun doute, une contribution positive.
Avec APO Group