Foot-Afrique : « L’Afrique défend l’idée d’une Coupe du monde tous les deux ans » Ahmed Yahya.
Ahmed Yahya, Président de la commission des club et de la compétition de la Confédération Africaine de Football (CAF), cet ancien président de la Fédération mauritanienne, autrefois suspendue par la FIFA, a disputé la première Coupe d’Afrique de son histoire, en 2019. Il préside désormais la Commission d’organisation des compétitions interclubs et de la licence des clubs de la CAF. L’une de ses premières tâches sera de donner forme au projet de Super Ligue africaine (officiellement, la Ligue supranationale africaine) qui a été approuvé par le Comité exécutif de la CAF le week-end dernier au Maroc. Ce projet de Super Ligue a reçu l’approbation de Patrice Motsepe, président de la Confédération africaine depuis mars, et de Gianni Infantino, président de la FIFA. « C’est la première interview que je donne depuis ma prise de fonction », confie M. Yahya.
En quoi consiste la Super Ligue africaine ?
Ce projet vise à créer une nouvelle compétition entre les clubs africains dans l’espoir d’enthousiasmer les supporters en Afrique, mais également d’attirer l’attention des autres continents. Une compétition qui suscitera l’intérêt des chaînes de télévision, des sponsors et qui, par conséquent, contrairement aux compétitions actuelles, permettra aux clubs africains de conserver les grands joueurs du continent et de bénéficier de leur talent beaucoup plus longtemps qu’à l’heure actuelle.
Avec la Ligue des champions et la Coupe de la Confédération, pourquoi pensez-vous que la création d’une Super Ligue soit nécessaire ? Que va-t-il se passer avec ces tournois ?
Je pense que l’on peut inaugurer la Super Ligue africaine et, en même temps, maintenir d’une manière ou d’une autre les compétitions actuelles. Cela fera partie de l’analyse que nous ferons dans les mois à venir.
Quelles sont les différences entre la Super Ligue africaine et la Super Ligue européenne ?
En Europe, le projet a été annoncé sans respecter la structure du football existante et en conflit ouvert avec l’UEFA. La Super Ligue africaine sera créée au sein des structures de football existantes, en respectant la pyramide du football. Elle cherche à aider les clubs de football africains à se développer ou, dans certains cas, à survivre, en leur offrant la stabilité financière nécessaire pour poursuivre leur précieux travail de développement de jeunes talents et les amener à un niveau supérieur.
Quelles sont les conditions requises pour les clubs qui souhaitent participer ?
Ce sera l’un des avantages de la Super Ligue africaine : la capacité d’établir des bonnes pratiques et des exigences qui, au final, profiteront au football sur tout le continent. Les détails de ces exigences prendront également forme dans les mois à venir. Elles concerneront la nécessité pour les équipes d’investir dans les stades, les carrières, l’éducation, le football féminin, la création d’installations d’entraînement adéquates, une gestion financière transparente, ainsi que des exercices et des budgets durables.
En janvier 2020, M. Infantino a suggéré la création de cette Super Ligue. Pourquoi en Afrique, mais pas en Europe ?
Il a lancé le débat, mais c’était toujours au football africain de réfléchir et de décider de ce qu’il fallait faire. Il est de notre devoir, en tant que dirigeants, de mener ces discussions de manière ouverte et transparente. Nous devons étudier, analyser et décider ce qui est le mieux pour notre sport. Quant à ce que pense Gianni Infantino, il a déjà dit à plusieurs reprises (et je suis tout à fait d’accord) que nous ne pouvons pas comparer le projet qui a émergé en Europe avec le nôtre. La Super Ligue de la CAF est vraiment différente du projet européen. Nous avons vu que nos compétitions actuelles, malgré leur prestige, génèrent des pertes d’année en année, et que les meilleurs talents de nos clubs quittent l’Afrique à la première occasion pour jouer en Europe, même s’il s’agit d’un club de deuxième ou parfois de troisième division. Cette situation ne peut plus durer.
Au départ, le projet de Super Ligue africaine a suscité beaucoup d’opposition parmi les supporters et les journalistes africains. Que diriez-vous à toutes ces personnes qui ont des doutes sur le projet ?
J’ai également constaté beaucoup d’enthousiasme. Pas seulement des critiques. Mais, bien sûr, nous respectons l’opinion de chacun et nous écouterons tout le monde. Je pense que beaucoup de critiques sont basées sur des malentendus. Je pense que, dès que nous commencerons la compétition, même les plus sceptiques se rendront compte que c’était une bonne décision.
Avez-vous fixé des objectifs à long terme pour la Super Ligue, que ce soit sur le plan financier ou en termes d’élévation du niveau du football africain ?
Nous voulons des clubs plus forts en Afrique. Nous voulons que les supporters puissent voir leurs idoles jouer plus longtemps pour leurs clubs en Afrique. Nous voulons que les joueurs se sentent récompensés et soient attirés par cette nouvelle compétition. Nous voulons créer les conditions nécessaires pour qu’ils réfléchissent à deux fois ou même refusent certaines offres en provenance d’Europe si elles ne sont pas vraiment intéressantes. Nous savons que nous ne pourrons pas combler l’écart entre les clubs africains et ceux d’autres continents, mais nous pensons vraiment que cette compétition peut contribuer à réduire cet écart en donnant aux clubs africains plus d’outils pour rivaliser avec les clubs d’autres continents, au niveau sportif, organisationnel et financier.
Vous avez présidé la Fédération mauritanienne avec beaucoup de succès. Vous avez complètement révolutionné leur football et, avec vous à la barre, elle a été couronnée de succès. En attendez-vous autant de la nouvelle formule que vous dirigez maintenant ? Selon vous, un club mauritanien pourra-t-il participer à la Super Ligue ?
Je pense que j’ai réussi parce que j’ai travaillé dur et que j’ai été accompagné d’une bonne équipe, mais aussi parce que j’ai introduit des formules différentes et quelques idées novatrices. Si nous essayons de rivaliser avec des adversaires beaucoup plus forts, selon leurs conditions et avec les mêmes méthodes, nous ne réussirons probablement pas. C’est pourquoi je pense que la Super Ligue africaine peut constituer un tournant pour les clubs de football africains. En ce qui concerne la participation d’un club mauritanien, j’espère bien sûr que tôt ou tard, ce sera possible.
Autre sujet : lors de la dernière Commission, la CAF a pris position en faveur de la proposition de la FIFA de passer à organiser la Coupe du Monde tous les deux ans. Pourquoi ?
Nous considérons que la Coupe du monde devrait être jouée plus régulièrement. Les compétitions sont un moteur de développement. C’est un fait avéré. Plus vous jouez au plus haut niveau, plus vous apprenez et plus vous vous améliorez rapidement. Plus nous avons de possibilités de participer, plus les pays, y compris leurs gouvernements, peuvent soutenir un projet de football de développement. Quatre ans, c’est trop long ! En Europe, j’ai rencontré des gens qui disent que c’est irrationnel, que tout est bien comme ça, que rien ne doit changer, mais ils disent cela parce qu’ils ont tout à leur disposition. Les meilleurs joueurs jouent devant eux tous les week-ends, leurs équipes nationales s’imposent au niveau mondial, ils sont riches et puissants, donc pour eux tout est parfait. Mais ils ne doivent pas discriminer le reste du monde, à commencer par l’Afrique. La solidarité consiste également à se mettre à la place des autres et à voir le monde de leur point de vue. Nous attendons les résultats de l’étude de faisabilité que le congrès a demandé à la FIFA de réalise